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PLANIFICATION STRATÉGIQUE
ET GOUVERNANCE

Prendre le contrôle de votre entreprise : comment choisir des indicateurs de performance robustes et pertinents?

Avec André Filion, CPA, CRHA

 

Évitez le chaos dans votre tableau de bord

Depuis 12 ans, j’ai l’honneur de présider plusieurs comités d’évaluation pour un concours prestigieux1 reconnaissant l’excellence en gestion d’entreprise. Les évaluations doivent s’appuyer sur des critères rigoureux identiques à ceux d’autres concours équivalents au Canada2 et dans le monde3 (États-Unis4, Japon5 et France6, notamment).


Au fil des ans, j’ai pu constater une faiblesse récurrente dans les dossiers de candidature québécois : le manque de rigueur dans la sélection et la documentation des indicateurs de performance clé (KPI). C’est dommage, puisqu’au final, c’est ce qui distingue le plus les entreprises performantes et durables de celles qui n’arrivent pas à traduire leurs ambitions stratégiques en résultats concrets.


Pièges à éviter
Pour vous permettre d’éviter ce piège, voici les lacunes les plus fréquemment observées lors des entrevues menées auprès des dirigeants et dirigeantes (PDG, vice-présidents, directeurs) ainsi que des administratrices et administrateurs (conseils d’administration) des entreprises moins performantes selon les critères de ce concours de classe mondiale :

  • Justification des indicateurs insuffisante : de nombreux gestionnaires peinent à expliquer clairement pourquoi certains indicateurs (surtout non financiers) sont suivis et comment ceux-ci s’alignent avec la stratégie globale de l’entreprise.
  • Nombre d’indicateurs trop important : beaucoup d’entreprises incluent plus de 20 indicateurs de performance stratégique dans leur tableau de bord. Malheureusement, cela dilue l’attention des dirigeants et dirigeantes et complexifie indument le pilotage de la performance organisationnelle. Il faut éviter d’ajouter de nouveaux indicateurs au fil des mois si l’on ne retire pas les moins pertinents.
  • Surpondération d’indicateurs financiers : les mesures de performance financière sont évidemment primordiales dans le pilotage de la performance d’une entreprise. Il faut toutefois viser un certain équilibre et faire un suivi des indicateurs non financiers, plus susceptibles d’être de nature prédictive, notamment. 
  • Manque de continuité : il est souvent impossible d’analyser les tendances sur trois périodes consécutives, car les indicateurs initiaux sont fréquemment remplacés ou redéfinis de manière improvisée, révélant un manque flagrant de rigueur initiale.
  • Absence de cibles claires et de seuils d’alerte : rares sont les entreprises qui établissent systématiquement ces éléments essentiels dès le début des périodes de référence. Cela empêche toute évaluation objective des écarts de performance.
  • Étalonnage (benchmarking) déficient : très peu d’entreprises utilisent des données externes comparables pour enrichir leurs analyses, bien que celles-ci soient désormais facilement accessibles à faible coût grâce à l’intelligence artificielle, aux banques de données sectorielles ou à diverses associations industrielles.
  • Remise en cause de la fiabilité des données : confrontés à des résultats défavorables, certains gestionnaires contestent les chiffres, invoquant des nuances d’interprétation ou des erreurs de calcul. Cela crée des débats internes, nuit au consensus et freine l’engagement des équipes.

Peu importe la taille ou la nature de l’entreprise, ce genre de situation mine la crédibilité des entreprises et de leurs dirigeantes et dirigeants, affecte grandement l’efficacité décisionnelle et nuit à la performance globale de ces organisations.

 

Sélectionnez judicieusement vos indicateurs
Il existe pourtant une solution simple pour éviter ce chaos : s’inspirer des bonnes pratiques à l’égard de la gestion des indicateurs de performance clé. 


Il suffit de sélectionner vos indicateurs en considérant les critères recommandés par la norme ISO 224007 :  

  • Alignement stratégique
  • Pertinence
  • Équilibre (Kaplan et Norton)
  • Exactitude
  • Standardisation
  • Portée complète
  • Validité
  • Non-ambiguïté
  • Quantifiable
  • Automatisable
  • Précision
  • Facilite l'adhésion
  • Disponible en temps opportun
  • Documentation rigoureuse
  • Capacité prédictive
  • Comparabilité
  • Incite à l'action
  • Compréhensible
  • Suivi facile
  • Peu coûteux (à obtenir)

 

Documentez bien vos indicateurs
Ensuite, il est essentiel de documenter vos indicateurs de performance clé en élaborant une fiche descriptive complète qui contient les champs d’information suivants :
 

Information de contenu

Information de contexte

  • Identifiant unique
  • Niveau (stratégique ou opérationnel)
  • Nom (appellation sommaire)
  • Type (avancé ou retardé)
  • Unité de mesure ($, %, #)
  • Pertinence et intention stratégique
  • Formule de calcul détaillée
  • Perspective (selon Kaplan et Norton)
  • Source des données
  • Fréquence de mise à jour
  • Cible à atteindre
  • Responsables des données
  • Seuil d'alerte
  • Responsable des résultats et des actions
  • Sens de lecture / d'interprétation
  • Canal de diffusion
  • Représentation visuelle
  • Date de révision

 

Ce processus simple de sélection et de documentation garantit une interprétation uniforme et fiable des résultats, renforçant ainsi la prise de décision rapide et éclairée. 


Adopter une telle approche met fin aux ambiguïtés et instaure une véritable culture de performance fondée sur une seule version de la vérité.

 

1 Prix performance Québec

2 Canada Awards for Excellence

3 Les Prix Qualité dans le monde

4 Malcom Baldrige National Qualité Award

5 Deming prize

6 Grand prix Qualité France

7 Norme ISO 22400-1